Voici un article paru dans Courrier International il y a quinze jours...
ÉTATS-UNIS • Et si on armait les étudiants ?
Face à la multiplication des tueries dans les universités, plusieurs Etats envisagent de se doter de lois permettant aux étudiants de circuler armés sur les campus. Une façon de mieux se protéger en cas de fusillade.
Horrifiée par les récentes fusillades sur les campus, une sénatrice de l’Arizona a trouvé le moyen d’y remédier : armer les étudiants. Karen S. Johnson a récemment déposé un projet de loi devant le Sénat de l’Arizona afin de permettre aux personnes titulaires d’un permis de port d’armes de venir armées à l’université. Selon Mme Johnson, le récent carnage de la Northern Illinois University [qui a fait 5 morts et 15 blessés le 14 février dernier] aurait pu être évité ou du moins limité si un étudiant ou un professeur avait réussi à neutraliser le tireur. Selon Mme Johnson la police met toujours trop de temps à intervenir, et elle est persuadée que les personnes menacées sont les mieux à même de réagir efficacement. Au départ, la sénatrice souhaitait que son projet de loi concerne tous les établissements, de la maternelle à l’université. Mais ses collègues l’ont convaincue qu’il avait de meilleures chances de passer s’il se limitait à l’enseignement supérieur.
Depuis la tuerie de l’université Virginia Tech, en avril 2007, plusieurs Etats envisagent de se doter d’une législation similaire, au grand dam des adversaires des armes à feu. Selon la Brady Campaign to Prevent Gun Violence, une association de Washington qui fait campagne contre les armes à feu, une quinzaine d’Etats dont l’Alabama, l’Indiana, le Kentucky, le Michigan et la Virginie étudieraient des projets de lois autorisant le port d’armes – sous certaines conditions – dans les écoles ou sur les campus. Mais, pour l’association, la proposition de loi de l’Arizona est la plus dangereuse car les étudiants comme les enseignants auraient le droit de porter des armes.
L’Utah est aujourd’hui le seul Etat dont la loi autorise explicitement les personnes titulaires d’un permis de port d’armes à circuler avec une arme à feu sur les campus. Les détracteurs de ces lois pointent les effets pervers. Ils expliquent, par exemple, qu’il pourrait être difficile pour la police de distinguer un forcené au milieu d’une foule d’étudiants armés. Ils avancent également qu’il serait plus facile pour des étudiants de réagir avec excès à une mauvaise note ou un chagrin d’amour, le genre de frustrations qui abondent sur les campus. En Arizona, les partisans du projet de loi reconnaissent que cette proposition risque d’être âprement débattue, même dans cet Etat dont le Parlement est à majorité républicaine. Et si la proposition de Mme Johnson venait à être ratifiée par les deux chambres, il ne serait pas facile pour autant de convaincre la gouverneure démocrate de l’Arizona, Janet Napolitano, de ratifier la loi. Mme Napolitano a déjà opposé son veto, il y a quelques années, à un projet de loi proposant de lever l’interdiction de porter des armes à feu dans les bars et les restaurants de l’Etat. Envers et contre tout, Mme Johnson reste convaincue du bien-fondé de sa proposition. “Nous ne vivons pas au Far West, comme beaucoup de gens le croient. C’est juste que les gens d’ici ont des idées plus arrêtées sur la meilleure façon d’assurer leur sécurité.”
Randal C. Archibold
The New York Times